Contexte
Mieux comprendre et anticiper les impacts des changements climatiques sur les écosystèmes forestiers et la production de bois représentent des défis majeurs pour la science et pour la société. Il est désormais largement admis qu’une transformation socio-écologique des systèmes forestiers est inévitable, qu’elle implique de les laisser en évolution libre ou de les remplacer par des plantations d’essences exotiques supposées mieux adaptées au climat à venir, en passant par tous les intermédiaires possibles. Dans la plupart des scénarios cependant, la plantation est de plus en plus encouragée car elle permet le renouvellement quand la régénération naturelle échoue (ce qui est plus fréquent avec le changement climatique, par exemple en raison de dépérissements qui affectent les semenciers) et l’introduction de sujets ou essences provenant de régions au climat qui préfigurerait celui que devrait connaître la région d’introduction. Pourtant, ses effets posent question, en particulier du point de vue des impacts sur les services écosystémiques (ou Nature’s Contributions to People : NCP).
Les résultats scientifiques manquent à l’heure actuelle, de manière générale et en particulier sur le plan sociétal. Les études sur les activités, notamment récréatives, menées dans les plantations forestières font en effet défaut. Il en est de même sur les représentations paysagères, alors que ces plantations apparaissent au centre de controverses (1). En France, les études se centrent plutôt sur les résineux ou les peupleraies et elles apparaissent anciennes (2). Des recherches plus récentes ont toutefois été conduites en région Centre-Val de Loire, portant sur les services écosystémiques de plantations forestières (peupleraies et plantations de pin maritime) et les représentations associées, par des chercheurs qui seront impliqués aux côtés du/de la stagiaire (3). Elles ont notamment montré que des randonneurs traversaient ces plantations, portant sur elles des regards variés, critiques, mais appréciant aussi ces formations végétales, faisant désormais partie de leurs paysages (4). Les recherches nécessitent toutefois d’être poursuivies, en intégrant notamment d’autres espèces comme le robinier faux-acacia (5).
Le stage sera mené conjointement à une thèse du PEPR Forestt, qui intégrera les résultats obtenus. Cette thèse vise à identifier les impacts à court et moyen termes des plantations sur la biodiversité et les NCP, en prenant l’exemple de quatre espèces : le chêne rouge d’Amérique (Quercus rubra) et le pin maritime (Pinus pinaster), le chêne sessile (Quercus petraea) et le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia). Le stage se centrera sur le volet social et plus particulièrement sur le robinier faux-acacia présent dans le Valois (Hauts-de-France, Picardie), même s’il pourra s’étendre au chêne sessile présent dans l’Orléanais (Centre-Val de Loire, Loiret). L’objectif est d’identifier les pratiques, usages et représentations associés à ces espèces, en questionnant les aménités et désagréments, les services et disservices, en considérant les éventuelles différences entre plantation et régénération naturelle, chez une diversité d’acteurs : acteurs forestiers, acteurs territoriaux, habitants et usagers.
L’hypothèse posée est aussi celle d’une variation : les regards portés par les acteurs, habitants et usagers diffèrent 1) selon les essences, avec une préférence bien souvent perceptible pour les feuillus ; les critiques sont ainsi plus vives par exemple contre les plantations de pin maritime que contre les peupleraies, en mobilisant surtout l’argument de la perte de biodiversité (6). Là aussi, d’autres facteurs méritent d’être questionnés comme 2) l’ancienneté de la présence de l’essence sur le territoire : plus elle est ancienne, plus elle ferait partie du paysage et serait acceptée/tolérée, mais d’autres éléments peuvent se surajouter comme 3) les autres entités paysagères du territoire : l’hypothèse est là que les plantations sont plus acceptées là où les peuplements spontanés sont plus rares (cas des peupleraies (7)). A contrario, les plantations devraient être plus acceptées là où elles sont plus dispersées (8) et/ou éloignées des habitations et zones fréquentées. Seront aussi questionnées les variations des regards entre acteurs, en fonction de leur type et de leur positionnement ; des catégories sociales classiques (catégories socio-professionnelles, milieu de vie, âge, genre) mais aussi de leur lieu de résidence (urbain/rural et surtout entre les régions d’étude) ou encore des parcours de vie et plus particulièrement des territoires fréquentés par le passé, la mémoire et la familiarité des paysages apparaissant comme des facteurs importants de leur appréciation (9).
Les entretiens avec les acteurs de la filière forêt-bois permettront de préciser en particulier les difficultés qui peuvent se poser en matière de transformation pour le robinier faux-acacia dans les Hauts-de-France ; plus généralement d’identifier les services d’approvisionnement rendus par les plantations peuplées par cette espèce. L’hypothèse posée dans la thèse est aussi celle d’une variation 1) selon les essences, selon la densité de leur bois mais s’ajoute aussi le critère de 2) l’ancienneté de la plantation, en l’occurrence surtout de l’essence : plus elle est ancienne et plus les processus de transformation et les débouchés sont établis localement.
Objectifs
Identifier les pratiques, usages et représentations associés au robinier faux-acacia dans le Valois, possiblement aussi au chêne sessile dans l’Orléanais, en questionnant les aménités et désagréments, les services et disservices, en considérant plantation et régénération naturelle, chez une diversité d’acteurs.
Identifier les facteurs de variation des regards portés sur cette/ces espèces, en questionnant les éventuelles différences entre espèces (les entretiens pourront en intégrer d’autres que celles spécifiquement analysées sur le(s) terrain(s) d’étude), notamment selon l’ancienneté de leur présence sur le territoire, les autres entités paysagères du territoire, les caractéristiques des personnes interrogées.
Missions
Encadré(e) par Mathis Degand (doctorant en écologie) et Amélie Robert (maître de conférences en géographie), le/la stagiaire sera chargé(e) de conduire et analyser des entretiens, menés de manière semi-directive auprès d’acteurs, d’habitants et d’usagers.
Les entretiens seront menés d’abord avec les acteurs forestiers (ONF, CNPF, mais aussi FiBois, en considérant aussi l’aval de la filière…) et les acteurs des territoires (élus, associations…), puis avec les habitants et usagers – étant entendu que ces catégories peuvent être poreuses.
Ces entretiens devront se fonder sur des photographies, voire d’autres supports, en faisant appel à des méthodologies qui seront définies en amont, en concertation avec le doctorant menant l’enquête sur les autres terrains d’étude. Ces supports visent à « libérer la parole de l’enquêté » (10) à mieux cerner ses représentations et valeurs. Les entretiens seront menés dans le Valois en région Hauts-de-France, territoire d’étude des plantations de robiniers faux-acacia. Si les photographies des autres espèces plantées permettront de questionner la variation des représentations en fonction des espèces, un focus plus important sera donné au robinier faux-acacia car l’essence est présente dans les paysages quotidiens des usagers. Lors des discussions avec les acteurs de la filière bois, les questions se focaliseront également surtout sur cette espèce.
Au cours de son stage, le/la stagiaire participera aux réunions du projet REGE-ADAPT du PEPR FORESTT. Il sera amené(e) à présenter le travail réalisé, notamment lors d’une de ces réunions et lors du séminaire de l’UMR EDYSAN (début juillet 2026). Les résultats obtenus seront ensuite valorisés par l’équipe, diffusés 1) dans un article scientifique s’inscrivant dans la cadre de la thèse du doctorant ; 2) un rapport à l’attention des acteurs de la filière forêt-bois ; 3) une ou plusieurs communications orales lors de colloques internationaux.
Profil recherché
Conduite et analyse qualitative d’entretiens
Une attention particulière sera portée aux candidat(e)s :
- possédant des connaissances sur les milieux forestiers et/ou les représentations de la nature (surtout végétale),
- ayant déjà des connaissances sur différentes méthodes d’enquêtes qualitatives (notamment avec supports).
Permis B requis (car des déplacements sont à prévoir, pour aller à la rencontre des acteurs, des riverains et usagers sur les terrains, dans le Valois, voire l’Orléanais : les frais seront pris en charge).
Candidature :
D’ici au 12 Décembre 2025, envoyez CV, lettre de motivation et relevés de notes de M1 (voire lettre de recommandation, facultative) à Mathis Degand (mathis.degand@u-picardie.fr), personne à contacter aussi pour toute question.
Les candidat(e)s présélectionné(e)s seront convié(e)s à un entretien qui se tiendra entre le 15 et le 19 décembre (selon leurs disponibilités), par visio-conférence.